L’enfant tiroir-caisse

Oui la maternité est parfois triomphante, sauf que le « « triomphe » ne vient pas toujours d’où on l’imaginerait. Il existe des femmes – bien plus nombreuses que l’on ne le pense – qui, en enfantant, font une « bonne affaire ». L’enfant né ou à naître n’est plus un être à part entière mais l’objet d’une transaction. C’est l’enfant tiroir-caisse.

Celles qui se font payer pour des services sexuels sont plus honnêtes que celles dont nous parlons, utilisant leur utérus dans le but de s’assurer un toit, une position sociale et financière. Mais une fois l’enfant né, et reconnu par le père, pourvoyeur de rente, que devient le petit d’Homme ?

Et ne vous y méprenez pas, la caricature de la « chercheuse d’or » russophone, récupérant fébrilement le sperme de l’homme d’affaire dans le préservatif imprudemment laissé au pied du lit, dans l’espoir de le piéger, n’est que marginale et trop évidente.

Très nombreuses sont les femmes dites « normales », qui font un premier, un deuxième, voire un troisième enfant, avec l’approbation de tous au motif unique de s’assurer une rente à vie, une situation sociale en vue, un train de vie confortable, mariée ou non.

Avec l’ADN, plus moyen pour les hommes de filer à l’anglaise. Un enfant c’est pour la vie et même si le père s’aperçoit avoir été berné dans ses sentiments, avec ou sans mariage à la clef. L’enfant, ainsi instrumentalisé, pourra permettre à ce qui lui sert de mère de tenir en laisse une petite bombe à retardement, hypothéquant la vie entière du père, son éventuelle seconde épouse, ses autres enfants bref, l’enfant tiroir-caisse, c’est Tchernobyl à l’échelle familiale. Et c’est sa propre mère qui est aux manettes.

Du reste, le scénario moderne de l’enfant tiroir-caisse s’écrit souvent aujourd’hui avec une mère seule qui reste mariée ou en couple le temps que l’enfant atteigne l’âge de la maternelle puis qui s’éclipse, son pactole sous le bras. La garde alternée la soulagera de l’encombrant gamin une semaine sur deux et son lien financier avec l’homme, bien choisi pour cela lui, demeurera même parfois au-delà de la majorité de l’enfant : vêtements, leçons de piano, vacances, voyages en avion ou en train quand les deux domiciles sont trop éloignés, matériel scolaire, cadeaux, tout est habilement extorqué au père et à sa famille, avec l’arme, vieille comme le monde, du chantage affectif : « si tu ne paies pas c’est que tu ne l‘aimes pas ».

Pour ces femmes, la jouissance est double, elles brandissent leur monoparentalité courageuse et victimaire comme un étendard du féminisme, tandis qu’elles bénéficient, en arrière-boutique, des antiques retombées financières du patriarcat.

Car, en ces temps de crise économique où le mariage ne vaut plus grand-chose, où le divorce pour faute n’existe plus, où le PACS se rompt à l’aide d’un simple recommandé, où l’image du bonheur affichée sur les réseaux sociaux prévaut sur la réalité, l’enfant, lui, n’a jamais pesé si lourd sur les liens entre les hommes et les femmes. L’enfant est roi, il est le seul CDI matrimonial qu’une femme tant soit peu cynique puisse décrocher. Même divorcée, elle continue d’en profiter…

Et puis l’enfant vaut de l’argent, comme toute chose en notre société marchande. C’est une opportunité de commerce inépuisable : pour les firmes de puériculture, pour les entreprises pharmaceutiques, les cliniques de procréation… et les mères.

L’enfant devient même une denrée internationale. Il existe un véritable business mondial du bébé. Comme on importerait du café brésilien ou des téléphones chinois. Les parents en mal d’adoption – dont les mères susnommées – courent en Ukraine, en Haïti, en Inde, en Grèce ou en Espagne ; partout où la chose est possible pour adopter-acheter un enfant, un embryon, un ovule…. ou trouver une mère porteuse. Pour elles, tout est bon pour figer le couple pour l’éternité, piéger l’homme et son porte-monnaie.

Et l’enfant dans tout ça ? C’est le destin de tout enfant-objet. Il n’est plus une personne, il est un réceptacle. Il est le coursier qui va chercher sa pension, mannequin portant les habits du pouvoir et de l’argent pour honorer le narcissisme maternel, monnaie d’échange, parfois dans des circonstances très sanglantes pour son âme.

Ainsi, il peut être humilié en étant envoyé chez sa belle-mère en haillons pour obliger le père à acheter des vêtement neufs. Il peut être mendiant pour obtenir les fournitures scolaires dont il a le plus grand besoin. Il n’est pas aimé pour lui mais pour ce qu’il est censé rapporter et quand il ne rapporte plus, ou pas assez… malheur à lui !

Il est des pères épousés pour leur argent dont la situation économique change : ils deviennent pauvres ou rétrogradent financièrement. La source d’or se tarit. La pension est revue à la baisse, les cadeaux disparaissent. Toujours mariés, c’est le foyer qui rétrécit et les conditions de vie qui deviennent précaires. La mauvaise mère peut alors se tourner vers un autre homme et abandonner l’enfant devenu inutile.

Il y a des pères qui partent au bout du monde fonder un nouveau foyer, on l’espère, plus heureux et décident de s’affranchir pour toujours de cet impôt matrimonial, quitte à renoncer à leurs droits parentaux.

Il y en a d’autres qui, lâchement, délèguent à leur nouvelle femme la tache de fermer le robinet des finances.

Dans tous les cas, l’enfant tiroir-caisse devient la bête noire de la mère qui s’aperçoit qu’elle nourrit à présent un inutile dont elle n’a pas voulu. Au mieux, elle l’ignore, au pire elle devient maltraitante. Parfois elle l’abandonne à son père ou à la famille de celui-ci, peu importe le traitement qu’il recevra.

L’enfant tiroir caisse n’a, psychologiquement et parfois même matériellement, rien à envier aux orphelins de l’Aide Sociale à l’Enfance. Sauf qu’il apparaît comme un enfant normal, si ce n’est choyé, tant que dure la splendeur familiale.

Dans tous les cas, il finit par se rendre compte que l’amour n’est qu’une question d’argent mais que lui ne vaut rien.

Anne-Catherine ANDRIOLI

Anne-Catherine Andrioli est une amie (journaliste) avec qui nous avons eu plusieurs fois des discussions au sujet de la (non-)maternité. J’ai accepté sans hésité sa proposition d’écrire un article sur ces femmes qui n’hésitent pas à s’assurer une sécurité/sérénité financière grâce à l’enfant qu’elles feront avec l’homme/compte en banque sur lequel elles jettent un jour leur dévolu. Aussi cynique que cela paraisse, ces femmes existent et même si elles n’ont pas fait le choix de ne pas avoir d’enfant (le thème de ce blog), on peut tout de même les considérer comme telles puisque leur objectif n’est pas de fonder une famille mais d’avoir à portée de main un « enfant/objet » qui leur procure le train de vie espéré.